Concurrence Déloyale & Détournement de clientèle

Dans quelle mesure un acte de concurrence est-il déloyal ?

La liberté de la concurrence autorise tout commerçant à chercher à attirer vers lui la clientèle de son concurrent, sans pour autant que sa responsabilité soit engagée. 

Celle liberté stimule l’activité de chaque acteur de la vie économique de manière tout à fait saine. Malheureusement, dans cette course à la productivité et à l’amélioration des services, des abus sont possibles.

Qu’est ce qu’un acte de concurrence déloyale ?

Cette notion, qui se trouve dans les articles du code de commerce et dans le code de la consommation, émane de l’article 2 de la loi de finance N° 63-628 du 2 juillet 1963.

Par définition, la concurrence déloyale est constituée de l’ensemble des procédés concurrentiels contraires à la loi ou aux usages, constitutifs d’une faute intentionnelle ou non et de nature à causer un préjudice aux concurrents. 

En d’autre termes, cela regroupe de manière assez générale tous les actes qui ne correspondent pas à une concurrence saine.

Il est à noter que la notion de concurrence déloyale est contraire à la libre existence du commerce dans les relations commerciales, principe de liberté du commerce et de l’industrie qui tient sa source de la loi Le Chapelier des 2 et 17 mars 1791 et est rappelé dans l’article premier de la loi Royer du 27 décembre 1973 qui posa un grand nombre de principes dans le droit de la concurrence.

Qu’est ce qui constitue un acte de concurrence déloyale ?

Afin de pouvoir attaquer un commerçant sur le fondement de l’acte de concurrence déloyale dans un litige et ,de ce fait, obtenir une sanction, il faut avoir à l’esprit que cette notion ne se situe pas dans le domaine répressif. Traditionnellement, l’action est exercée sur le fondement de la responsabilité délictuelle régie par l’article 1382 et 1383 du code civil.

La mise en jeu de cette article suppose alors une triple condition cumulative :

d’une part l’existence d’une faute
puis la survenance d’un préjudice
et enfin l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
 

La faute

Elle est définie comme une pratique contraire à une loi, un règlement ou encore à des usages et n’a pas a revêtir de caractère intentionnel. 

Celle-ci peut être de trois formes : il peut s’agir du dénigrement, de la confusion ou encore de la désorganisation.

Le dénigrement : C’est le fait de jeter le discrédit sur la personne, le produit, le service d’un concurrent.

Par exemple le slogan : ” Nous avons l’ambition de vous offrir le premier vrai magazine français de karaté ” a été jugé constitutif de dénigrement car il fait subsister un doute sur le caractère français des magazines concurrents. 

La confusion : créer dans l’esprit du public une confusion avec l’entreprise concurrente de telle sorte que la clientèle se trompe et soit attirée.

Remarque : l’intention de nuire n’est pas obligatoire , une simple négligence suffit comme par exemple avoir une vitrine de magasin ressemblant à celle d’un concurrent voisin. 

Par exemple, la confusion a été retenue dans le cadre du contentieux opposant les entreprises de vente par correspondance ” La redoute ” et ” Les 3 suisses ” à propos de leur publicité relative aux délais de livraison.(les 48 heures chrono de la redoute et les 24 heures des 3 suisses)

La désorganisation : il s’agira soit d’une désorganisation interne de l‘entreprise concurrente (révélation de secret, espionnage, détournement de fichier…), soit d’une désorganisation de l’activité ou des méthodes commerciales du concurrent. Par exemple, la suppression de panneaux publicitaires du concurrent, le détournement de commande etc…

En exemple, nous citerons le contentieux qui a opposé les deux chaînes de télévision TF1 et Antenne 2 dans lequel un animateur vedette avait été débauché d’Antenne 2 pour aller présenter une émission similaire et à la même heure sur la chaîne concurrente. Cette affaire fut une des plus importantes dans ce domaine atteignant des sommes d’indemnisation de l’ordre de 50 millions de francs.

Le préjudice :

Il se caractérise par une perte de clientèle qui elle même se traduit par la baisse du chiffre d’affaire de la ” victime ” et ceci dans un courant d’affaire identique.

Les tribunaux affirment qu’il importe peu que cette perte de clientèle ait profité ou non à l’auteur de l’acte délictueux.

De manière générale, et c’est un courant qui s’est généralisé, les tribunaux ont actuellement tendance à faciliter la preuve du préjudice allant même jusqu’à induire automatiquement un préjudice en présence d’une faute sans que la victime ait à le prouver.

Le lien de causalité :

Comme pour la preuve du préjudice, la jurisprudence a allégé le mécanisme. Il n’est donc plus nécessaire de prouver le lien de causalité, celui-ci est supposé exister du moment qu’il y a une faute.

Remarque :

Il faut noter aussi l’existence d’une autre notion introduite postérieurement dans la doctrine française : le PARASITISME.

Le parasitisme se définit comme ” le fait pour un tiers de vivre en parasite dans le sillage d’un autre en profitant des efforts qu’il a réalisés et de la réputation de son nom et de ses produits.

En exemple nous pourrons citer un contentieux qui fit date : l’interdiction du nom ” Champagne ” pour un parfum car ce dernier profitait des investissements effectués par les producteurs de champagne dans le but de s’approprier la notoriété liée à cette boisson.

Quelles sont les sanctions punissant les actes de concurrence déloyale ?

Tout d’abord, les juridictions compétentes sont, selon le cas, le tribunal de commerce, le Conseil des Prud’hommes ou les tribunaux civils .

La sanction sera la suivante : dommages-intérêts , publication de la sanction et enfin une cessation de l’activité frauduleuse.

Il est souvent reproché à cette procédure d’être trop lente est donc de perdre en efficacité.

Dans ce cas la victime aura la possibilité d’agir en référé comme le prévoient les article 809 (quand l’action est portée devant le Tribunal de Grande Instance) et 873 (quand l’action est portée devant le Tribunal de Commerce) du nouveau code de procédure civile. Cette procédure possède l’avantage d’être beaucoup plus rapide que la précédente ce qui est non négligeable dans ce genre de litige. 

Le salarié qui se rend coupable de détournement de clientèle au profit d’une entreprise concurrente peut être condamné à verser des dommages et intérêts à son employeur, si la faute lourde est caractérisée.

C’est en ce sens que la Cour de Cassation a tranché le 27 février 2013 (n°11-28481).

La faute lourde

Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Ainsi, le salarié doit s’abstenir, durant son exécution, de tout acte contraire à l’intérêt de l’entreprise, et principalement, de tout acte de concurrence à l’égard de son employeur. C’est l’obligation de loyauté.

Le salarié qui ne respecte pas cette obligation de loyauté peut commettre une faute, pouvant être qualifiée de faute lourde.

La faute lourde est celle commise par un salarié mû par l’intention de nuire à son employeur  ou à l’entreprise (Cass. Soc. 03.10.2000 : n°98-45426 ; 29.04.2009 : n°07-42294).

Comme pour une faute grave, elle est sanctionnée sur le terrain du pouvoir disciplinaire par un licenciement sans préavis et entraine pour le salarié auteur des faits la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement.

Dans certains cas, la constatation de cette faute lourde permet à l’employeur de réclamer au salarié la réparation du préjudice qu’il a subi du fait de ses agissements.

C’est un des cas dans lesquels l’employeur a la possibilité d’engager la responsabilité civile du salarié.

Pour cela, le mobile du salarié doit être clairement établi.

L’intention de nuire ne se déduit pas  de la seule gravité des faits ou du préjudice qui en résulte pour l’employeur.

C’est le cas du détournement de clientèle.

Le détournement de clientèle de l’entreprise : un exemple type de faute lourde

La jurisprudence a eu l’occasion de se positionner par rapport à la question du détournement de clientèle par un salarié.

Ainsi, est considérée comme une faute lourde la participation active d’un cadre qui détourne un client de son employeur au profit d’une société concurrente dans laquelle il avait des intérêts (Cass. Soc. 15.12.2011 : n°10-21926).

Un arrêt récent précise encore l’intention de nuire dans la faute grave, s’agissant du détournement de clientèle.

En l’espèce, un salarié engagé au poste d’attaché commercial, avait été licencié pour baisse de son activité commerciale.

Or, pendant le temps de son préavis, l’employeur s’était aperçu qu’il travaillait pour le compte d’une société concurrente, et qu’il détournait la clientèle au profit de ladite société.

Ceci expliquait la baisse de son activité commerciale.

Il a dès lors mis fin à son préavis, et a engagé la responsabilité civile de son ancien salarié, aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi, au titre de la faute lourde commise.

Le salarié licencié pour un motif autre que disciplinaire, conservait pour autant le bénéfice de ses indemnités.

La Cour d’Appel de Paris a donné raison à l’employeur, et lui a octroyé une indemnité de 15.000. La faute lourde était caractérisée : le salarié a violé l’obligation de fidélité inhérente à tout contrat de travail.

Le salarié a contesté en arguant que la faute lourde ne pouvait être caractérisée, en l’absence de preuve de l’intention de nuire. Pour lui, la simple déloyauté ne suffit pas à caractériser l’intention de nuire à son employeur.

La Cour de Cassation a donné raison à la Cour d’Appel de Paris.

Pour la Haute Juridiction, la baisse d’activité commerciale ayant justifié le licenciement du salarié s’expliquait par le travail effectué, au cours de l’exécution de son contrat, pour le compte d’une société concurrente, ce qui consistait bien en un détournement de clientèle de son employeur et faisait ressortir l’intention de nuire à l’entreprise.

Dès lors, la faute lourde était constituée et ouvrait bien droit à une indemnité de l’employeur.

Le salarié a du verser 15.000 à son ancien employeur, pour réparation du préjudice. 

Sources : Cass. Soc 27 février 2013, n°11-28481 ; Cass. Soc 3 octobre 2000, n°98-45426 ; Cass. Soc 29 avril 2009, n°07-42294; Cass. Soc 15 décembre 2011, n°10-21926. 

Vols dans l’entreprise

En principe, la participation du salarié à un vol de matériel commis au préjudice de l’entreprise constitue une faute grave justifiant son licenciement sans préavis, ni indemnité. Mais, l’interprétation de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la sanction que l’employeur peut infliger à un salarié pris en flagrant délit de vol, varie en fonction des circonstances de l’affaire.

Le vol sur le lieu de travail : cause réelle et sérieuse de licenciement, voire de faute grave

Si vous commettez un vol sur votre lieu de travail, vous vous rendez coupable d’une infraction pénale (1). En principe, le vol que vous commettez sur votre lieu de travail constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire selon les cas une faute grave.

A titre d’exemple, le fait pour un salarié d’emporter à son domicile des informations confidentielles appartenant à son entreprise, sans justification professionnelle, constitue une faute grave et rend impossible son maintien dans l’entreprise. De même, le vol de carburant de faible valeur par le salarié, au préjudice de l’employeur justifie le licenciement pour faute grave (2).

L’employeur ne pourra pas vous licencier sur la base de simples soupçons de vol de votre part et va devoir, pour que votre licenciement soit justifié, apporter la preuve du vol.

Contester son licenciement pour motif personnel

De plus, si le vol est avéré et qu’il est en mesure de le prouver, l’employeur ne pourra pas obtenir le remboursement du montant de l’objet volé par le biais d’une retenue sur votre salaire mais ne pourra demander un tel remboursement qu’en saisissant la justice.

L’employeur peut donc décider de porter plainte contre vous et cette démarche n’a aucune incidence sur le déroulement de la procédure de sanction disciplinaire qu’il aurait engagé.

Le choix de la sanction est ensuite appréciée par les juges devant lesquels vous avez contesté votre licenciement en fonction de l’objet volé, de votre ancienneté et de vos antécédents dans l’entreprise.

L’appréciation de la gravité du vol au regard de l’exécution du contrat de travail 

Les juges ont affirmé qu’il convient d’apprécier la gravité de la faute du salarié au regard de l’exécution de son contrat de travail (3). Dès lors, pour apprécier la gravité du vol commis sur le lieu de travail, votre employeur doit prendre en compte un certain nombre d’éléments :

votre ancienneté dans l’entreprise. A titre d’exemple, la seule soustraction de produits alimentaires par une caissière, qui comptait cinq ans d’ancienneté, ne peut suffire à constituer une faute grave (4) ;

le caractère isolé de votre faute. Par exemple, une caissière avait volé une pizza sur son lieu de travail et les juges ont relevé qu’elle n’avait fait l’objet d’aucune remarque durant les sept années passées dans son entreprise et que le vol constituait un manquement isolé. Dès lors, le vol était insuffisant à justifier une faute grave (5) ;

le préjudice qu’il a subi. A titre d’exemple, il a été jugé que le vol d’une paire de lunette de soleil, d’une valeur de 39 euros, commis par un assistant de réception, qui avait près de quatorze années d’ancienneté et qui n’a jamais attiré l’attention de son employeur défavorablement jusque là, ne constituait pas une faute grave ni même une cause réelle de licenciement (6). 

Les juges retiennent souvent le licenciement en cas de faute mais pas la faute grave lorsque le montant de l’objet volé n’est pas élevé. Par contre la faute grave pourra être retenue lorsque les vols ont été répétés (7) ou qu’ils sont importants.

Le cas du vol entre collègues de travail

Si vous commettez un vol, non pas au préjudice de votre employeur, mais au préjudice d’un collègue de travail, votre employeur ne pourra vous sanctionner que si ce vol est en relation avec votre vie professionnelle. De ce fait, si le vol a été commis dans le cadre de votre vie personnelle, il ne constituera pas une faute et votre employeur ne pourra pas engager de procédure disciplinaire à votre encontre. Ainsi, il a été jugé que ne peut être licencié pour faute grave le salarié qui vole les enjoliveurs du véhicule d’un collègue de travail, garé à l’extérieur de l’entreprise. Le vol commis relève de la vie personnelle du salarié (8). 

Le cas du vol d’un client de l’entreprise

Si vous volez un client de votre entreprise, vous risquez d’être licencié pour faute grave. En effet, la Cour de cassation a estimé que le vol commis par un salarié au préjudice d’un client de l’employeur caractérisait, alors même que l’objet soustrait était de faible valeur, une faute grave de nature à rendre impossible la poursuite du contrat de travail pendant la durée du préavis (9).

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Références :

(1) Article 311-1 du Code pénal
(2) Cass. Soc. 3 mars 2009, pourvoi n°07-43222et Cass. Soc. 5 mai 2011, pourvoi n°09-43338
(3) Cass. Soc. 3 mars 2004, pourvoi n°02-41583
(4) Cass. Soc.  2 novembre 2005, pourvoi n°03-42452
(5) Cass. Soc. 29 janvier 2008, pourvoi n°06-43501
(6) Cass. Soc. 6 mars 2007, pourvoi n°05-44569
(7) Cass. Soc, 5 mai 2011, n° 09-43338
(8) Cass. Crim 19 septembre 2007, pourvoi n°05-45294
(9) Cass. Soc. 16 janvier 2007, pourvoi n°04-47051

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